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L’art visuel : Une sixième branche du mouvement Hip-Hop ?

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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

A sa fondation, le mouvement Hip Hop était composé de 5 branches : le Rap, le DJ Set, la danse, le beatbox et le Graf. Relégué à la périphérie des grandes villes pendant un temps, le mouvement Hip-Hop sous sa forme la plus populaire, le Rap, entre dans les clubs et les chichas. Qui se souvient de l’époque où seul “California Love” et “The Next Episode” étaient diffusés dans les boites où tournaient des disques de Dance sans fin entre les années 90′ et le milieu des années 00′. Aujourd’hui, l’évolution des modes de consommation de la musique a lancé le Hip Hop dans la grande épopée de l’art visuel quelques fois au détriment de la musicalité. Mais on a jamais rien sans rien.

Dans l’industrie musicale, quelques artistes ont joué les précurseurs dans la réalisation de “vidéoclips” intelligents. Les deux superstars des années 80-90′, Madonna et Michael Jackson sont sans doute les pionniers dans ce domaine. Madonna tout d’abord toujours “borderline” et “courageuse” renversant les valeurs patriarcales, et par la même occasion les valeurs religieuses. N’oublions pas qu’à une époque au personne n’était Charlie dans l’Eglise Chrétienne, la Madonne a osé brûlé vifs des croix dans le visuel de “Like a Prayer”.

L’art aura raison de l’Eglise Catholique et Protestante même si aujourd’hui encore les fanatiques défilent devant le théâtre du Petit Châtelet lorsque Romeo Castellucci  défie la puissance de l’intangible en dévoilant une vidéo du Christ.

Dans un tout autre esprit, Michael Jackson aura mobilisé le Prime Time de TF1 à l’époque pour la diffusion de son énorme “Black or White”, court métrage anti-raciste quelques dizaines d’années seulement depuis la révolte des droits civiques aux USA. Avant cela, il avait reproduit “La Nuit Des Morts” vivant dans “Thriller”. Des Zombies symboles de notre décadence matérialiste, de notre aliénation par l’argent. Plus tard, naîtront tous les films de Zombie, les jeux vidéos comme “Résident Evil“, et bien entendu “Walking Dead“.

Avant que le Hip Hop prospère, que le Rap devienne la musique la plus écoutée au monde, que le Street Art s’invite dans les collections publiques et privés, que les plus gros clubs de la Planète diffusent des titres de Jay-Z et Beyoncé, le clip de Rap était plutôt rudimentaire car pauvre … en revanche les artistes faisaient déjà preuve de beaucoup d’imagination. L’un des premiers tubes du Wu Tang “Cream” est une véritable pépite en mode escapade de Gang. Certains membres du Wu-Tang Clan deviendront plus tard les leaders de la EastCoast comme Method Man & Redman, GhostFace Killah, et le regretté Old Dirty Bastard, et bien entendu leur producteur GZA alias The Genius.

De l’autre côté des Etats Unis, sur la Côte Ouest, la genèse du Death Row de Suge Knight, et des monstres qu’elle a engendré TuPac, et Dr Dre en tête, donne naissance à “California Love”. Inspiré des déserts vides et anéantis de Mad Max, le clip met en scène les deux légendes emblématiques de la WestCoast américaine.

Malgré tout, le clip à sa préhistoire a énormément de mal à se débarrasser de quelques stéréotypes qui aujourd’hui encore font recette. Bagnole, Vixen et “Chaînes en or” qui brillent, voici les ingrédients de base pour un clip neutral qui ne passera pas inaperçu, mais qui ne laissera absolument pas un souvenir éternel. Reste que ses signes extérieurs de richesse, ce trio “Sexe, Pouvoir, et Bifton” annoncé par Ärsenik, fait partie de la rébellion des descendants d’esclave. Tout ceci est jeté à la tête du maître devenu hôte et coreligionnaire comme le souvenir d’un passé dont on veut se débarrasser.

Mais le temps passe. Et dans les années 10′ un double phénomène se produit. Tout d’abord, les connexions haut débit se démocratisent dans la plupart des pays dits “développés”, d’autre part le recours à la diffusion sur la plateforme YouTube devient systématique pour les rappeurs. L’influence des réseaux sociaux se fait également sentir. Pour finir, le téléchargement illégal finit de détruire l’industrie du disque avant le renouveau de ces cinq dernières années avec les services de streaming.

L’effet se fait sentir directement. Le clip est à la base de la stratégie de communication de tous les artistes. Ainsi le visuel fait partie de l’image de l’artiste, mais plus encore, il détermine son image.

Premier chef d’oeuvre du clip, le clip de “No Church In The Wild” de Gavras réalisateur français de Kourtrajme pour Kanye West et bien entendu Jay-Z. Extrait de l’album “Watch The Throne” considéré comme l’un des meilleurs de son époque, le visuel met en scène une véritable émeute urbaine entre les forces de Police et la jeunesse. Ce clip est annonciateur peut être de l’oeuvre de Kendrick Lamar pour lequel les violences policières ont une influence capitale. Au vue des récents événements aux Etats Unis, et des crimes qui ont touché la communauté afro-américaine, ceci reste compréhensible.

Les albums visuels font aussi partie de l’histoire de cette cinquième branche du Hip-Hop. Avant Beyoncé, il y a eu le précité GhostFace Killah et ses albums “12 Reasons To Die” et “36 Seasons”. Des albums qui racontaient des histoires et mais sans image. Il y a eu également le “Lemonade” de Beyoncé diffusé sur HBO même si l’ancienne membre des Destiny’s Child a toujours eu le chic pour confondre sa musique avec ses visuels.

Le roi du clip reste et restera le grand Kendrick Lamar. Avec son clip “Allright“, il réalise peut être le rêve de Michael Jackson. Avant de réaliser le clip de ce titre extrait de son album “To Pimp a Butterfly” , l’artiste s’est rendu en Afrique du Sud découvrant que l’Apartheid, mauvais souvenir politique, a laissé des pratiques et des souffrances bien réelles. Ils tournent le clip de “Allright” à “Oakland” aux Etats Unis. Le clip a été réalisé par  Colin Tilley .

C’est ici avec une esthétique parfaite en noir & blanc, et des métaphores prenantes, que le nouveau roi de Compton dénonce les racismes au sein de la Police aux USA. Dans une atmosphère détestable, où le crime empeste la xénophobie, Kendrick use de la poésie pour illustrer avec douceur l’impossible vérité.

En France, deux artistes surtout accordent énormément d’importance à leurs visuels : SCH et PNL. Depuis ses débuts sur la mixtape “A7″ et surtout le clip “Gomora”, pour finir en apothéose sur “JVLIVS” présentée comme un véritable moyen métrage, SCH a fait du visuel une part essentielle de son activité artistique. Avec SCH, l’image, le scénario, les lyrics, la musicalité sont un tout au service de la cause de l’artiste. Avec cette atmosphère le rappeur est le chef d’orchestre d’une symphonie visuelle et musicale dans laquelle il est l’élément central.

Le groupe PNL dont le clip “A L’ammoniaque” est le onzième clip le plus vue sur YouTube en 24 Heures accorde aussi énormément d’importance à son visu. Dans l’une de ses dernières production, “Au DD“, le groupe a eu l’audace de tourner sur la Tour Eiffel. Un peu avant, PNL avait réalisé une trilogie autour de l’histoire de “Béné”. Si les premiers clips du groupe étaient plus rudimentaires, les deux frères ont toujours accordé une importance capitale à leurs visuels, et à leurs clips.

Pour finir, les liens entre le Hip Hop et le Cinéma sont de plus en plus étroits. Sofiane joue dans la dernière création Canal, Nekfeu a joué aux côtés de Catherine Deneuve, et Kaaris est le braqueur préféré de Sami Bouajila. Puis un cinéma se prépare dans les mauvais quartiers là où la révolution numérique a permis à des jeunes d’acheter une caméra. Réservé aux riches et aux puissants à cause du coût des matériaux utilisés, le cinéma n’est plus la chose des bourgeois, c’est la chose de tous. Et ce cinéma là sera sans doute la sixième branche du mouvement Hip Hop.

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