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La grande arnaque du sirop pour la toux

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R.I.P BIG MOE, R.I.P PIMP C

En tant qu’auditeur de RAP, US ou FR, tu as forcément été confronté au phénomène du sirop pour la toux consommée de manière récréative.
C’est en fait une tradition héritée des vieux bluesmen héroïnomanes du Sud. Pour soigner leur addiction, ils étaient toujours en quête d’un substitut. Ensuite, la défonce au sirop violet a été récupérée par de nombreux artistes, eux-mêmes contaminés par ceux de la génération précédente. Parmi les précurseurs de cet usage 2.0, on retrouve le fameux DJ SCREW et d’autres membres émérites de l’inénarrable SCREWED UP CLICK (S.U.C pour les intimes), comme l’immense BIG MOE. Celui-ci n’hésita pas à vanter les vertus festives de sa boisson favorite, souvent mise en scène au travers de clips funky et colorés :


Quelques années plus tard, Lil Wayne s’est emparé du dossier et c’est ainsi qu’une gigantesque vague violette a ravagé la planète rap. Il est important d’écouter cette sublime déclaration d’amour au sirop, classique ultime :

Ce morceau donne vraiment envie de lever sa double cup en hommage à tous les frères morts des suites d’une overdose de codéine.

Les temps changent

2019 : Tu n’en crois pas tes yeux ! C’est bien Dimitri, ton cousin rappeur, que l’on a aperçu sur ce cliché Instagram ! C’est la honte et tu ne sais plus où te foutre : sur cette photo affreuse, il affiche fièrement une moue de gangster, des grillz en plastique, un flacon d’Euphon et une bouteille de Sprite. Il ne fait vraiment pas dans la dentelle… dire qu’il y a encore quelques années, il déambulait dans le salon familial en jetant des sorts idiots, engoncé dans un cosplay peu convaincant d’Harry Potter…

Un souvenir doux-amer, vestige d’une époque révolue peu flatteuse, mais que le contexte actuel pousserait presque à regretter. Ton petit cousin, comme tous les autres gamins victimisés par leurs aînés, a voulu s’affirmer. Il faut jouer des coudes pour s’extraire de la masse. Opportuniste, Dimitri s’est donc jeté à corps perdu dans la nouvelle mode qui émergeait à ce moment dans son lycée : la défonce au sirop pour la toux.

Des limites de la pâle copie

Sa curiosité piquée par le style de ces rappeurs l’air hagard, tenant dans leur main molle un large gobelet en polystyrène blindé de glaçons, Dimitri a décidé de se renseigner. Méthodique, il a tapé « la boisson violette des rappeurs » sur son moteur de recherche et voilà qu’il se retrouve sur psychoactif.org, prêt à noter la recette tant convoitée sur son petit calepin.
Suite à sa demande sauvage, crée sans lecture préalable des règles du forum, il s’attire les foudres de ceux que l’on appelle « les psychonautes ».

En plus, ces derniers sont formels : « on ne peut pas faire du Sizzurp en tant que tel parce qu’il n’y a pas tout simplement d’équivalent à l’Actavis chez nous, en revanche tu peux toujours mélanger de l’Euphon et des cachets de Néocodions pour un résultat similaire si ça te fait plaisir, mais c’est ridicule, mon petit pote.»

L’enthousiasme de Dimitri descend d’un cran. Au fond il n’est pas très motivé, son attrait pour le Lean est avant tout esthétique. Un autre internaute renchérit alors : « Cela ne sert strictement à rien boire cette merde saturée en sucre puisque la France propose des cachets à base de codéine, ce qui n’est pas le cas Outre-Atlantique. »

Une propagande pharmaceutique de grande envergure

Dimitri est une merde. Ça ne fait plus aucun doute et désormais, il en a parfaitement conscience. Ça lui fait mal. Il se sent humilié. Il a l’impression d’être une victime de la mode, un dommage collatéral de la société du spectacle et par extension, du système tout entier.

Il s’est vu, bêtement aveuglé par l’imagerie fantasmagorique de ceux qui vendent la défonce comme un moyen d’émancipation et non comme une porte d’entrée sur l’industrie pharmaceutique. Il comprend que l’usage récréatif du sirop pour la toux est au mieux la séquelle d’une culture désuète, au pire une propagande consciente en faveur des opiacés et de la dépendance qu’ils sont susceptibles de générer sur le corps humain.

Dimitri apprendra bientôt que le rap, contre-culture de masse à forte valeur d’identification, est aussi un formidable médium publicitaire à l’attention des populations les plus exposées à la défiance des normes en vigueur : jeunes, pauvres et minorités.

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