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La Drill : Quand le rap est en réaction à l’effondrement des valeurs !

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C.E.O HELL SINKY, author, journalist, documentary

La Drill : Quand le rap est en réaction à l’effondrement des valeurs ! Parti de l’Angleterre, la Drill s’exporte partout et fonctionne parfaitement. Son succès est absolu. Mais la Drill est aussi sujette à beaucoup de polémique. Tentative d’explication de phénomène.

La Drill : Le Rap est toujours conscient ?

Contrairement à une idée reçue, le rap n’est pas né d’un message ou d’une revendication politique et sociale. Il est né dans la fête. C’est au cours des DJ Set des pères fondateurs que les premiers MCs ont commencé à rapper dans le délire des soirée enfumées du Bronx. Mais les premiers groupes structurés comme N.W.A ou Public Enemy bien que gangsta rap dénonçait aussi les violences policières et dans une moindre mesure certaines injustices. Tupac lui-même passera en revue l’autre histoire de l’Amérique dans son morceau le plus écouté « Changes ». Nas réécrit la loi dans « If I ruled the World ». Mais peut-on vraiment parler de rap conscient ?

Comme le dicte le Prim’s Parolier dans l’un de ses morceaux : « il y a que les connards qui vont croire que c’est du rap conscient ». Car la contestation était inhérente au Rap. Il est aussi conscient dans une certaine mesure de dénoncer les violences policières que d’afficher clairement la culture de gang vendu à plus de 100 000 exemplaires comme l’a fait le Wu-Tang. Le rap est né dans les ghettos. Bien qu’il ne soit pas nécessaire ni d’être gangster ni d’être pauvre pour faire du rap, sa parenté avec le bronx s’exprime aussi clairement aujourd’hui qu’hier, et la prise de force de la Drill musique n’en est qu’une illustration.

La Drill : le retour en force du gangsta rap !

En France comme aux USA, à la fin des années 90 (pour le pays du fromage), les Majors se sont emparés du phénomène rap. En France le R’n’B a été totalement balayé comme dans un morceau de Roh2F qui laisse entendre : « La vague R’n’B je le ferais meiux chanter dans sa chambre ». En revanche à la fin des années 00’, certains rappeurs remplacent les choristes d’alors par l’autotune. Booba affiche clairement ses chants autotunés dans « 0.9 ». Et il ne se contente pas du refrain. Si Booba est exterminé pour son choix, tous les rappeurs reprennent le flambeau petit à petit. Et aujourd’hui, PNL (censé être le groupe gangsta rap le plus bankable de France) en a fait sa profession de foi en popularisant la Cloud dont le principe au niveau des voix repose sur l’autotune. La Pop Urbaine démocratisé par la Sexion sous l’œil de Dawala réussit là où le R’n’B s’est planté en popularisant à l’extrême la musique urbaine. Tous les rappeurs tentent de toucher ce grand public qui n’a pas les mêmes impératifs que le marché du rap dans les années 90’.

Dernier élément qui participe à la réalisation de titres rap plus « ouvert », des chichas ouvrent un peu partout, et les clubs les plus « mainstream » commencent à diffuser du rap. Le rap s’adapte aussi à la fête avec des rappeurs comme Jul et Naps. Et ce rap marche beaucoup mieux que le rap des années 90’. On a beau agité le spectre de l’âge d’or, cette génération a monté la musique urbaine dans un 7ème ciel que personne n’a jamais atteint en France. En 2019,  la musique urbaine devient le genre le plus écoute en France.

Avant l’explosion de la Drill, même Kaaris le plus Trap des rappeurs français s’emballe à balancer des petites douceurs et un peu de mélancolie. La Drill arrive en réaction a tous ces courants musicaux. Au-delà du roulement de beat typique et caractéristique de la Drill, ce genre musical promeut surtout la culture de gang à l’état pur depuis sa naissance au UK avec des images et des propos très « parental advisory ». La Drill marque le retour du gangsta rap sur la première scène.

Réaction à une culture politique et économique de l’ultra violence !

En France comme aux UK (là où est né la Drill) prospère des propos politiques et une situation économique ultra violente. En Angleterre, le libéralisme économique s’est muté en darwinisme économique faisant de la petite île un marché juteux, dynamique et ultra flexible mais a jeté les ghettos dans un enfer thatchérien. En France, en plus d’une situation économique difficile, le discours politique est devenu haineux. Il n’est pas rare de voir un journaliste prétendre par exemple que si « l’été a été plus compliqué » au niveau de l’insécurité pendant le confinement c’est que « certains n’ont pas pu aller au bled » (Zemmour). Avec Nicolas Sarkozy, depuis « le cass pov con » assez anecdotique, jusqu’à « l’homme africain n’est rentré dans l’histoire »,  la politique est clairement entré dans une autre dimension.

Avant son élection, IAM déclarait tambour battant dans le morceau « La Fin de leur Monde » : « C’est une révolution, cette fois elle est de droite ». Cette révolution arrive désormais à son terme.

Avant la naissance de la Drill, le rap en tant que mouvement de contestation était en train de s’enterrer dans des discours ultra positifs, des formats (excellent cependant dans leur réalisation) très éloignés de ses origines organiques. La Drill marque le retour au gangsta rap. Mais le discours des rappeurs Drill est ultra violent, il est quelques fois jugé antisémite pour certain (un en particulier), et les valeurs véhiculées par la Drill n’ont absolument rien de moralistes.

La Drill : la réaction de la jeunesse à l’ultra violence ?

Si le « rock n’a plus de c*.* » depuis longtemps, et qu’il a ainsi disparu car il ne représente plus grand-chose. La musique urbaine retrouve ses « c*.* » avec la Drill. Cependant le plus célèbre des rappeurs Drill fait une entrée aussi réussie que polémique. Lorsque Freeze Corleone dévoile « la menace fantôme » il ne croit pas si bien dire. Après des premiers chiffres de vente ahurissant, l’artiste est taxé d’antisémitisme. Il faut dire que Freeze Corleone vole au-delà de l’acceptable avec ses lyrics. Programmé à Skyrock pour l’un de ses morceaux, il est déprogrammé dans la semaine tout le « beau monde » de la musique lui tourne le dos. Certains imaginent même que ses morceaux vont être retiré de Spotify. Puis le point d’orgue de l’affaire, Roselyne Bachelot le cite à l’Assemblée nationale. Derrière le char national, le rappeur soutenu par les médias hip hop et par le public décroche un disque de platine.

Il est envisageable que ce durcissement dans le discours des rappeurs spécialement ceux qui font de la Drill avec principalement une défense encore plus virulente des valeurs de gang est aussi une réaction à l’ultra violence du discours politique et de la sauvagerie économique. Et cette fois ci, aucune major ne pourra récupérer ces rappeurs qui dans leur mouvement Drill ne déposeront jamais les armes. Comme à l’accoutumé, le rap est moins le responsable mais plutôt l’illustration flagrante d’une société de plus en plus violente, et d’un Etat de moins en moins protecteur.

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